L'effet Mozart

Sauriez-vous améliorer votre QI ?

Non ? Ne me dites pas que vous ne la connaissez pas ?

Allez, un petit indice ! Si je vous dis : Mozart ?

C'est bon, vous vous souvenez ? Mais oui, qui aurait pu passer à côté de cette méthode de notoriété internationale qui consiste à écouter du Mozart pendant ses apprentissages pour augmenter son QI ? D'ailleurs, même le gouverneur de Géorgie a financé la production et la distribution de cette musique classique à destination des jeunes mamans pour qu'elles la fassent écouter à leur bébé. 

J'espère que vous avez essayé... et que vous n'avez rien constaté. Rien de rien ! Si ce n'est du plaisir à écouter du Mozart.

Et oui, écouter du Mozart n'a aucun effet sur notre intelligence. En fait, ce phénomène appelé "Effet Mozart" est ce qu'on appelle un neuromythe. 

Eléna Pasquinelli¹ définit un neuromythe comme "le produit d'une mauvaise rencontre entre la science et la société". D'après Jean-Luc Berthier, incontournable spécialiste des neurosciences cognitives de l’apprentissage et de la formation, il s'agit de croyances sur le fonctionnement du cerveau, non conformes aux connaissances validées par la communauté scientifique. 

Les neuromythes sont malheureusement répandus en nombre dans le domaine de l'éducation et il convient d'être vigilant pour ne pas se laisser happé. Mieux vaut les connaître pour savoir les identifier quand ils pointent le bout de leur nez et s'en prémunir.

D'ailleurs, vous savez quoi ? Pour revenir à notre effet Mozart, le fameux gouverneur de Géorgie a quand même réussi à faire voter son pojet en faisant écouter du Beethoven aux sénateurs. C'est assez hallucinant.

Tout est parti d'une étude menée en 1993 par trois chercheurs américains. Ils ont testé auprès de trois groupes d'adultes : l'écoute d'une sonate de Mozart auprès des premiers, d'une musique relaxante auprès des deuxièmes et du silence auprès des troisièmes. Dans le premier groupe, ils ont observé une amélioration d'une dizaine de points sur des extraits de tests de QI. Sans attendre la fin du processus scientifique pour valider une étude, les médias se sont emparés des résultats. L'effet Mozart était lancé avec des déclinaisons, pas davantage vérifiées, sur les enfants, les bébés... et mieux encore sur les bananes. Oui, vous avez bien lu, sur des bananes. La rumeur ayant traversé les frontières, des cultivateurs japonais sont allés jusqu'à cultiver leurs bananes sur du Mozart !

Malheureusement, aucune autre étude n'a pu confirmer les résultats de cette étude. Trop tard, l'effet Mozart est devenu un beau neuromythe dont il est difficile de se détacher. Hélas, ce mythe est bien loin d'être isolé.

Continuez à écouter du Mozart pour le plaisir de vos oreilles. Vous passerez certainement un bon moment, mais désolée de vous décevoir, votre QI n'en sera pas meilleur !

Si j'évoque aujourd'hui l'effet Mozart, c'est pour vous expliquer ce qu'est un neuromythe et comment dans certains cas, ils peuvent apparaitre. 

La question pourrait se poser d'en parler ou pas ? En parler pourrait contribuer à les entretenir, me direz-vous ! En fait, ils sont déjà en circulation, alors autant les aborder pour apprendre à les reconnaitre, pour les démystifier, les expliquer et s'en prémunir.

Dans de prochains articles sur le sujet, mon objectif sera d'aborder d'autres neuromythes malheureusement ancrés un peu trop solidement dans le monde éducatif. J'en ciblerai quelques-uns spéfiquement en lien avec la tête, avec le coeur et avec le corps.

D'ailleurs, en attendant notre prochain rendez-vous littéraire sur ce sujet, peut-être pourriez-vous vous demander si vous connaissez déjà des neuromythes ? Comment vous avez appris à les débusquer ? A-t-il été facile de vous en détacher ? Comment y êtes-vous parvenus ?

¹ Lire "Mon cerveau, ce héros. Mythes et réalité", Manifeste Le Pommier, d'Eléna Pasquinelli, une chercheuse reconnue qui sait si simplement et si fluidement nous expliquer ici les mythes sur les capacités ordinaires ou extraordinaires du cerveau.