Pouvoir du bientôt

Les états d'esprit (fixes ou de développement)

Lorsque vous êtes face à un exercice un peu compliqué, comment réagissez-vous ? Auriez-vous tendance à :

• vous dire : "bon ça, ce n'est pas pour moi !", éviter astucieusement l'exercice car de "toute façon, vous n'y arriverez pas" et passer à autre chose ?

• Ou bien vous vous enthousiasmer à l'idée d'avoir un petit défi à relever et retrousser déjà vos manches car "vous allez bien finir par y arriver" ?

Alors, n'attendons plus et faisons connaissance avec elle ! Carol Dweck est professeur à l'Université de Stanford et c'est surtout une référence internationalement reconnue pour ses recherches en psychologie du développement et sur le sujet qui nous intéresse ici aujourd'hui.

Après plusieurs années de recherches auprès de publics de différents horizons, elle a mis en lumière deux types d'états d'esprit : 

• L'état d'esprit fixe et
• L'état d'esprit de développement 

Elle les a étudiés et éprouvés dans le milieu professionnel (auprès de chefs d'entreprise et de salariés), dans le milieu sportif (auprès d'athlètes et d'entraineurs dans des disciplines individuelles ou collectives), dans la sphère personnelle (auprès de familles et de la propre sienne), dans le milieu éducatif (auprès d'élèves et de professeurs)... Partout ! Ces deux états d'esprit se retrouvent partout ! Et leurs effets sont tellement différents et impactants ! Mieux vaut adopter le bon état d'esprit !

Voyons voir de plus près.

Face à un exercice un peu trop difficile, les apprenants vont réagir de deux façons différentes :

• Les uns vont se dire : "Oh non ! C'est trop compliqué !". Ils se sentent jugés et surtout ils croient que leurs résultats dépendent de leur intelligence, d'un trait de caractère inné et immuable. Face à une difficulté, ils sont soumis à ce que Carol Dweck appelle "la tyrannie du maintenant" : ils pensent que s'ils n'y arrivent pas maintenant, ils n'y arriveront jamais. Ils ont un état d'esprit fixe.

• Les autres vont s'exclamer : "Yes ! j'adore les défis". Eux pensent que leur intelligence peut être développée. Ils sont conscients que leurs résultats dépendent de leurs efforts, de leur engagement et des stratégies qu'ils vont utiliser pour y parvenir. Face à une difficulté, ils sont mus par ce que la chercheuse nomme "le pouvoir du bientôt" : ils savent qu'ils n'y arrivent pas encore, et, qu'ils y arriveront bientôt. Ils ont état d'esprit en expansion. On parle aussi d'un état d'esprit de développement ou comme le dit Steve Masson d'état d'esprit plastique (en lien avec le phénomène de plasticité cérébrale, dont on reparle dans de prochains articles). 

En cas de difficulté, les comportements sont profondément différents. Les personnes qui ont un état d'esprit fixe déclarent préférer arrêter de travailler, elles n'envisagent pas la possiblité de progresser. Dans la même situation, les personnes à l'état d'esprit de développement se déclarent prêtes à faire plus d'efforts et il s'avère que leurs performances scolaires sont meilleures et leurs apprentissages plus solides.

De plus, Dweck et son équipe ont montré que les apprenants à l'état d'esprit fixe avaient davantage tendance à tricher que ceux qui ont un état d'esprit de développement, qui quant à eux, sont plus enclins à s'entrainer et réviser (Etude de 2007, Dweck, Blackwell, Trzesniewski).

Dans de nombreuses autres études (entre 1999 et 2011), il a été mis en évidence que ces apprenants à l'état d'esprit fixte fuyaient la difficulté et cela a même été confirmé au niveau du cerveau avec des IRM qui mettaient en évidence une activité cérébrale bien différente face à l'erreur : les personnes qui ont un état d'esprit de développement montrent une activitation cérébrale bien plus importante que les autres. Le fait de s'impliquer, apprendre de l'erreur et la corriger active bien davantage leur cerveau.

Mais là, ne sont pas les seuls effets. 

Les personnes à l'état d'esprit fixe :

• sont plus sujettes à la dépression ; 
• ont plus de difficultés à trouver de la motivation ;
• se limitent dans l'accomplissement ;
• sont plus sensibles au jugement des autres ;
• ont plus de difficultés à se libérer des stéréotypes ;
• sont plus impactés par les échecs et ont plus de difficultés à rebondir ;
• ont la croyance que les problèmes sont le signe de défauts ;
• ...

Les personnes à l'état d'esprit de développement :

• réussissent en faisant de leur mieux, en apprenant et en s'améliorant ;
• trouvent les revers motivants et instructifs ;
• prennent en mains les processus qui mènent à la réussite et la maintiennent ;
• ont davantage confiance en eux ;
• contrôlent mieux leur colère ;
• ...

On l'a vu en introduction, les états d'esprit concernent tout le monde que ce soit l'apprenant ou l'enseignant et dans une situation d'apprentissage, plusieurs configurations sont possibles :

• L'apprenant et l'enseignant ont tous les deux un état d'esprit fixe (aïe aïe aïe !)
• Ils ont l'un un état d'esprit fixe et l'autre un état d'esprit de développement (c'est mieux mais c'est toujours pas l'idéal !)
• Ils ont tous les deux un état d'esprit de développement (chouette chouette chouette !!!)

Quoiqu'il en soit, il est essentiel que l'enseignant, lui, ait un état d'esprit de développement. Carol Dweck nous rappelle qu'"en tant que parent, enseignants et entraîneurs, nous avons la charge de vie d'autres personnes. Ils sont notre responsabilité et notre héritage. Nous savons maintenant que l'état d'esprit de développement à un rôle clé à jouer pour nous aider à réaliser notre mission et pour les aider à réaliser leur potentiel".

Face à un problème, la question n'est pas tant de savoir si c'est parce qu'on n'est pas suffisamment intelligent pour le résoudre mais si c'est parce qu'on ne l'a pas encore résolu ? Le fameux power of yet (pouvoir du bientôt) ! Cette façon de pensée change beaucoup de choses !

Carol Dweck nous propose plusieurs pistes simples à mettre en place pour favoriser un état d'esprit de développement de nos enfants ou élèves :

1- Louer avec sagesse (sans récompenser le talent ou l'intelligence) tout ce qui contribue au chemin (ou processus) à savoir les efforts, les stratégies, la persévérance, les progrès...

2- Rajouter les mots "bientôt" et "pas encore" dans notre vocabulaire pour encourager leur persévérance et nourrir leur assurance.

3- Expliquer le fonctionnement du cerveau et en particulier le développement des connexions neuronales à chaque fois qu'ils essayent, persévèrent, apprennent quelque chose de nouveau, agrandissent leur zone de confort...

4- Leur enseigner comment apprendre des échecs.

5- Avoir des exigences dans une atmosphère de soutien (et non de jugement).

6- Le plus important : "Le simple fait d'apprendre l'état d'esprit de développement peut provoquer un grand changement dans la façon dont les gens se considèrent et considèrent leur existence." 

Carol Dweck se plait à souligner que "l'état d'esprit de développement est basé dans le croyance dans le changement" et précise que "le simple fait de l'apprendre semble mobiliser les gens pour affronter les défis et persévérer". 

Wahou ! C'est vraiment génial ! Il y a peut-être un hic : changer d'état d'esprit n'est pas si facile et demande du temps. Un plan concret orienté vers le développement et d'y rester fidèle est crucial.

Vous pouvez déjà commencer par vous demander chaque jour :

• Qu'avez-vous appris aujourd'hui ? 
• Si vous avez fait une erreur, qu'en avez-vous appris ? 
• Si vous avez essuyé un revers, que feriez-vous différemment la prochaine fois ? 
• A quoi avez-vous consacré vos efforts aujourd'hui ? 

Vous pouvez aussi vous interroger sur le petit pas que vous pouvez faire ? Notez-le ! et écrivez à la suite quand, où et comment, vous comptez le faire ! 

Vous avez 10' de plus ? 

Vous avez quelques heures de plus ?

Plongez dans le livre de Carol Dweck sur le sujet "Osez réussir ! Changez d'état d'esprit !" aux éditions Mardaga.

07/08/2022